Accueil

Depuis près de sept décennies, le bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais fait l’objet de politiques de reconversion et de transition dans des domaines aussi variés que l’économie, l’habitat, l’aménagement du territoire, la santé, l’environnement (Baudelle, 1994 ; Chautard, Zuindeau, 2001 ; Schmitt et al., 2020). Au-delà, les enjeux de patrimonialisation et d’image revêtent une importance particulière pour les acteurs politiques locaux (Melin, 2013 ; Mortelette, 2019a). Portée par l’axe « Nouveaux modèles et vecteurs de développement » de l’Institut Fédératif de Recherche pour le Re-nouveau du Territoire (IF2RT), cette journée d’étude internationale vise, dans une double perspective internationale et interdisciplinaire, à interroger ces dynamiques dans les territoires miniers à l’aune des notions de territorialisation et de trajectoire. Inscrit dans une histoire longue d’industrialisation, de désindustrialisation et de réindustrialisation, le bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais est encore régulièrement associé à un territoire en déclin économique (Béal et al., 2021) soumis à de multiples vulnérabilités sociales et environnementales. La reconversion et la transition se construisent à partir de dynamiques de changement impulsées par une pluralité d’acteurs proposant des initiatives diverses à partir de leurs propres cadrages des enjeux à traiter. De nombreuses tentatives publiques et privées ont ainsi pour objectif de reconvertir les secteurs économiques et de revaloriser l’image dégradée que renverrait le territoire. La transition et la reconver-sion participent aussi d’une mise en récit et de stratégies de marketing territorial visant à faire émerger de nouvelles représentations. Alors que les dimensions politique et narrative sont très fortement asso-ciées aux termes de « reconversion » et de « transition », les notions de territorialisation (Faure, Né-grier, 2007 ; Vanier et al., 2009) et de trajectoires (Mortelette, 2019b) permettent-elles de mieux saisir les basculements-bifurcations du bassin minier et l’empilement des politiques publiques ? Ainsi, cette journée vise à questionner les délimitations et les mécanismes d’appropriation juridique, matérielle et symbolique de l’espace dans et autour des principaux lieux des activités extractives comme les dépendances historiques qui en découlent pour le paysage (Fluck, 2021), le tissu socio-économique (Hall, Soskice, 2001 ; Bird, 2016) et plus globalement le système spatial (Baudelle, 1994) et institutionnel (Hall et Taylor, 1996) de ces territoires (post)miniers. Ouvert à une grande variété de disciplines et d’approches issues des sciences humaines et sociales, cette journée vise à traiter de cette problématique à travers des recherches qui analysent la reconversion ou le développement miniers à travers les acteurs publics et privés qui les portent comme les populations qui vivent, travaillent (Perdoncin, 2018) et développent des usages récréatifs au sein de ces territoires et participent ainsi de leur (re)production (Fontaine, 2010 ; 2014). Les contributions pourront se focaliser sur les transformations économiques (Convert, Pinet, 1978 ; Liefooghe, 2007), patrimoniales (Melin, 2013 ; Taiclet, 2015), politiques (Wadlow, 2022) ou environnementales (Schmitt, 2007 ; Troch, 2018) des territoires (post)miniers ou intégrer plusieurs de ces dimensions. De plus, il s’agit de questionner ce qui fait ou pas la singularité du bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais à partir d’une perspective comparative et internationale (Barbier, 2015 ; Sykes et Dembski, 2019 ; Schmitt et al., 2020). Qu’il s’agisse de territoires également marqués par la désaccumulation du capital (Berger, 2003 ; Daumalin et al., 2006 ; Knierzinger, Sopelle, 2018 ; Rousseau, Harroud, 2021) ou d’espaces où les activités minières connaissent de nouveaux cycles de production liés aux terres rares ou aux nouvelles techniques extractives (Buu-Sao, 2021 ; Christmann, 2017 ; Knierzinger, 2018 ;), il apparaît particulièrement heuristique de penser les déclinaisons localisées du capitalisme extractif dans une perspective comparative entre économies anciennement industrialisées comme avec les pays des « Suds » (Rubbers, 2013 ; Le Gouil, 2017 ; Mayaux, Rousseau, 2021). Ainsi les propositions portant sur d’autres territoires miniers français, européens et internationaux seront très favorablement accueillies. Trois axes de discussions sont plus spécifiquement envisagés pour ce colloque. Un premier axe interroge la terminologie et, de manière plus large, les discours relatifs à ce territoire. En effet, la persistance de la dénomination « bassin minier » pour délimiter un territoire qui n'a pas ou plus d'unité du point de vue de ses usages productifs et résidentiels, si tant est que celle-ci n’ait jamais existé, et qui recoupe des réalités administratives très diverses, pose question (Mortelette, op. cit.). Pour quels acteurs s’agit-il d’une catégorie territoriale signifiante et quels sont les découpages institutionnels et socio-spatiaux concurrents ? On retrouve ainsi une grande diversité de vocables notamment ceux faisant directement référence aux legs des activités extractives passées à travers des acceptions larges comme celle de « régions », de « territoires post-miniers » ou celles faisant plus spécifiquement référence au foncier ou aux cités qui y sont traditionnellement associés. D’autres expressions s’ancrent à une échelle communale ou intercommunale en fondant souvent l’histoire de la mine dans celle plus large de la désindustrialisation voire en mettant exclusivement en exergue les nouvelles activités, tertiaires ou manufacturières qui participent du renouveau du tissu productif local (Subra, 1996). Dans une double approche « par le haut » et « par le bas », il s’agit de questionner les jeux d’échelles, les imaginaires territoriaux (Debarbieux, 2009 ; Davoudi et al., 2018 ; Raoul, 2020), les décalages, oppositions et recoupements éventuels entre récits institutionnels et représentations habitantes. Un deuxième axe consiste à se demander dans quelle mesure l’action publique au sein des territoires (post-)miniers décline des modèles de développement et de transition inspirés de l’extérieur (La-marche, 2003). Par-là, il s’agit d’identifier les circulations de catégories et d’instruments d’action publique (Magri, Tissot, 2017), la transposition de modèles urbains (Lemaire et al., 2020), ainsi que les processus d’isomorphisme institutionnel à l’œuvre (DiMaggio, Powell, 1983). Comment s’articulent les dynamiques de transformations endogènes et exogènes (Torre, 2015) ? Jusqu’où les trajectoires de ces territoires sont-elles infléchies par les modèles et des slogans aussi variés que ceux relatifs à la ville « créative » (Bihay, 2018 ; Vivant, 2009), « attractive » (Barbier, 2023), « en transition » (Fenker et al., 2022) ou à la « ville du quart d’heure » (Cremaschi, 2022) et comment sont-ils appropriés loca-lement ? Cet axe peut ainsi conduire à considérer les spécificités et les analogies qui peuvent être identifiées entre les trajectoires de (dés)industrialisation et de reconversion des espaces d’implantation des activités extractives en interrogeant la manière dont les pouvoirs locaux sont acteurs de ces transformations. Enfin, un troisième axe invite à considérer la mise en œuvre des politiques de reconversion et de re-nouveau comme un cadre d’analyse du rôle des coalitions et rapports de forces entre les différentes catégories d’acteurs qui les portent (Subra, 2018). Quelles sont les alliances impulsées pour promouvoir des démarches voulues « partenariales » (Bordiec, Sonnet, 2020), « transversales » (Douillet et al., 2023) et « intégrées » (Candel, Biesbroek, 2016) ? Quels processus d’institutionnalisation et de (dé)sectorisation des politiques de transformation du bassin minier sont à l’œuvre au fil du temps entre politiques économiques et culturelles, transition énergétique et action sanitaire et sociale ? Face au constat que les initiatives visant à transformer les territoires (post-)miniers sont aussi anciennes qu’institutionnellement variées, les contributions s’inscrivant dans ce dernier axe sont invitées à exposer les tensions et luttes d’appropriation matérielles et symboliques qui sont à l’œuvre au sein des espaces marqués par le développement d’activités extractives et la manière dont ces conflits sont dans certaines configurations et à certaines conditions dépassés ou occultés. Les propositions de communications peuvent s’inscrire dans un ou plusieurs de ces axes. Elles doivent exposer distinctement l’objet de la recherche, les éventuelles références théoriques, les méthodes d’enquêtes employées et les principales hypothèses et résultats de l’étude. Les résumés ne devant pas dépasser 500 mots peuvent être adressés à Thibault Boughedada (thibaultbgdd@gmail.com) et Clément Barbier (clement.barbier@uphf.fr) avant le 15 septembre 2023.

Personnes connectées : 2 Vie privée
Chargement...